Un film sur la vie du mathématicien Alan Turing est sorti au cinéma et y est encore diffusé.
Ce qu’il y a de magique dans ce film, c’est qu’il montre à l’évidence que la vie d’Alan Turing est un peu comme un ultime code qu’il nous aurait laissé pour nous permettre de déchiffrer l’histoire des quelques dizaines d’années qui ont suivi sa mort jusqu’à notre monde d’aujourd’hui et peut-être de demain … Monde dont il a été le pilier théorique de l’Informatique.
Alors, quoi de mieux que de faire un dessin pour s’expliquer ? Et qui plus est, à l’aide d’une des plus belles formes de dessin mathématique que sont les fractales. Une courbe de Mandelbrot que vous aurez tout loisir de dessiner au hasard avec un logiciel tel que XaoS:
Le propre d’une fractale, c’est que lorsque l’on y regarde de plus près – en zoomant -, on retombe sur la forme de départ. Pour autant, un seul changement sur les conditions initiales de la suite mathématique et l’image peut s’en trouver radicalement transformée.
Et la vie d’Alan Turing semble continuer à se reproduire telle une fractale. De cette intuition géniale d’un homme pour renverser une situation désespérée, que reste-il si ce n’est les manipulations des politiques, l’exclusion de ceux qui sont différents, la discrimination, la jalousie de ceux qui ne supportent pas de voir leur médiocrité remise en cause, la détermination d’un groupe pour remporter technologiquement une guerre, ou encore le travail acharné d’équipes pour sauver une entreprise (article de ce blog) à travers les choix aberrants et les mensonges de ses dirigeants ? A haut niveau, dans une vision macroscopique et diluée de notre société et jusqu’au drame microscopique et concentré d’un adolescent exclu par sa différence sexuelle. Comme si notre quotidien restait soumis au même destin que celui de Turing. Un destin inachevé en raison d’une histoire d’amour non conforme ? Il n’aurait donc pas réussi à contrer cette loi de causalité, celle qui fait que certaines conditions initiales ne pourraient être surmontées qu’au prix d’efforts surhumains ? Telle une erreur d’un millième de degré dans l’axe de lancement d’une fusée pour mettre un satellite en orbite géostationnaire.
Et quelle plus belle preuve apportée par la machine de Turing que celle de l’indécidabilité algorithmique de certaines propriétés dans les théories mathématiques pour faire suite aux travaux de Gödel (*) ? Tous les jours, les économistes s’opposent radicalement dans leurs solutions sans pouvoir établir leur point de vue. Le message on ne peut plus clairement exprimé par le problème de l’indécidabilité, c’est que la théorie doit être renouvelée et fortifiée avec de nouveaux principes qui permettront de donner un sens aux questions sans réponse. Jusqu’à ce que de nouvelles questions se posent et nous entraînent plus loin, dans une nouvelle et véritable synthèse bien loin des compromis pratiqués par nos politiques. Et selon une simplicité anarchiste qui ne pourra que déroger à la connivence de ton, cette forme structurante de censure qui s’installe lorsqu’un système est figé et ne vise qu’à en protéger les ressorts de croissance lorsque ceux-ci ne sont plus que des étaux.
S’il y a bien une chose que l’on accorde aux mathématiciens, c’est bien de reconnaître une même structure dans des problèmes qui n’ont rien à voir a priori. Alors est-ce que Turing a réussi ce qu’il voulait entreprendre ? Ou est-ce qu’il y a eu échec et est-ce que nous sommes soumis au même problème aujourd’hui ? Y’a-t-il un rapport avec la dialectique et les problèmes de notre pays discutée sur ce blog, dans la même mesure que l’interprétation des programmes structurés d’informatique qui se représenterait elle-aussi comme une fractale ?
Comme si les vrais réformateurs se faisaient des clins d’œil à travers les siècles à la mesure du destin d’Alan Turing dans la lignée de celui d’Evariste Galois, mort en duel à vingt-ans en laissant des écrits à la veille de sa mort. Travaux utilisés de notre temps avec la cryptographie, décisive contre Enigma, et qui le seront encore pour longtemps.
Ce qui est sûr, c’est que ce film est un bel hommage à ce mathématicien qui après Pascal et sa machine est un des pères de l’Informatique d’aujourd’hui dont il a apporté les fondements théoriques (y compris pour les portables et autre facebook !). En résumé, notre confrère informaticien pour l’éternel.
Vous trouverez quelques articles sur le même sujet dont celui du journal Le Monde qui cite des propos révolutionnaires: « des notions comme la tradition et les usages, le rang, l’âge, les diplômes et autres détails superficiels étaient ignorés : seule importait la faculté de penser ».
(*) La preuve de ce théorème s’étudie en Théorie des Langages et est d’une simplicité déconcertante: l’apprentissage de cette théorie constitue vraiment un grand moment …