Beaucoup de personnes songent à quitter le salariat, devenir indépendant, et être leur propre patron.
Tout particulièrement, les ingénieurs et développeurs informatiques employés par des SSII aimeraient travailler directement pour un client final. Ces SSII ont pour objectif affiché de placer des ingénieurs pour des missions chez des industriels ou autres entreprises tertiaires. L’ingénieur travaille dans les locaux du client final et est payé par la SSII. C’est ce qu’on appelle la régie.
Dans certains cas, les clients finaux externalisent au forfait certains projets et les ingénieurs travaillent alors dans des locaux de la SSII. C’est beaucoup plus rare.
Dans la profession, chacun a son école de pensée sur tous les sujets, mais s’il y a bien une chose qui fait l’unanimité parmi les ingénieurs ayant quelques années d’expérience, c’est que les SSII sont vraiment une très mauvaise réponse à un vrai problème qui est, à première vue, celui de la flexibilité du travail.
Ce problème fait l’objet d’un autre article et l’idée ici est simplement de préciser que beaucoup d’ingénieurs aimeraient devenir indépendants et avoir leur propre clientèle: c’est le but de cet article de donner des informations et conseils, et aussi de dire à quel point cela peut être intéressant financièrement, professionnellement, sur le plan personnel, sur l’apprentissage de la comptabilité et de la fiscalité, sur les aspects juridiques et commerciaux, et pour la création d’entreprise en général.

La question des risques
La première inquiétude qui vient à l’esprit de ceux qui veulent se mettre à leur compte ou de leur conjoint, c’est que c’est risqué. Pourtant, lorsque l’on devient ingénieur, le moins que l’on puisse dire, c’est que cela demande des études longues, de passer des concours et c’est bien aussi pour se préparer à devoir affronter des difficultés par la suite. Croire qu’entrer dans une certaine facilité d’une vie salariée au sein d’une entreprise « pépère » peut être passablement plus risqué à long terme. Espérer ainsi pouvoir faire toute sa carrière dans une entreprise serait aujourd’hui faire preuve d’une incroyable naïveté. Se remettre en cause à temps est donc salvateur sur le long terme. S’habituer à prendre des risques limités à court terme peut ainsi être bien plus bénéfique à long terme.
Maintenant, il vaut mieux une stratégie, et cette stratégie, c’est tout simplement d’aimer son métier et de se passionner pour l’Informatique. C’est clair que tout le monde peut avoir moins d’envie à certaines périodes de sa vie et alors il est aussi possible de redevenir salarié à ce moment là.
Du point de vue du marché du travail, en période de crise, les entreprises (clients finaux ou SSII) n’hésiteront guère entre prendre un sous-traitant et un salarié pour un besoin ponctuel de moins de 2 ans. Si l’on cherche un travail, le fait d’être indépendant serait donc un avantage. De plus, une fois bien installé, rien n’empêche, bien au contraire, de travailler pour plusieurs clients en même temps ou successivement, ce qui réduit les risques.
Une idée serait d’ailleurs de s’associer à plusieurs indépendants sur un ensemble de clients pour qui l’on travaillerait sur le long terme plutôt que sur des périodes limitées typiquement de 18 mois comme c’est le cas pour les SSII afin d’éviter le délit de marchandage.
Lorsque le marché du travail est à la hausse, la question ne se pose bien sûr pas et il y a du travail pour tout le monde.
Alors si vous lisez encore ces lignes, c’est que vous êtes prêts à franchir le pas !
L’aide à la création d’entreprise
Et il y a une très bonne nouvelle, c’est que la création d’entreprise est particulièrement encouragée en France par la convention d’assurance chômage. Etre licencié aujourd’hui est une opportunité à saisir absolument, avec en bonus la satisfaction de ne plus se faire … avoir, surtout s’il s’agissait d’une SSII.
En effet, en se mettant à son compte, l’ANPE octroie une aide de 1 an de chômage distribuée en 2 fois. Cela représente au total environ 70% de votre salaire annuel net précédent. D’autre part, si au bout de un an, votre projet échoue, il vous reste la seconde année d’assurance chômage. Ceci peut varier si vous n’avez pas travaillé un nombre suffisant d’années auparavant. Plutôt que de redevenir salarié où vos droits cessent, l’avantage, c’est que vous empochez ces 70% d’une année de salaire. La contrepartie, c’est qu’au bout de 2 ans en étant à votre compte, vous ne toucherez plus un sou d’assurance chômage. C’est là le risque contre lequel il faut se prémunir, et vous aurez deux ans pour le faire, en vous constituant une clientèle, en mettant de l’argent de côté ou en bénéficiant de l’appui d’un tiers, conjoint ou parent, pour couvrir le risque restant.
L’autre bonne nouvelle, c’est que vous pourrez demander une exonération de charges sociales à l’URSSAF (ces aides sont l’ARCE et l’ACCRE).
Pour autant, il faut bien comprendre que ces aides ne sont pas des cadeaux mais de réelles aides et un tremplin pour commencer. Bien que vous n’aurez quasiment pas de cotisations à payer au début, vous ne serez plus payé comme un salarié en fin de mois, mais 30 jours encore plus tard. L’aide de l’ANPE va donc vous servir de trésorerie pour régler vos frais de déplacements et vivre les premières semaines. L’ANPE peut payer rapidement le premier versement pour les 6 premiers mois dès lors que l’ACCRE a été acceptée par l’URSSAF.
On se lance ?
L’inscription
Alors c’est parti pour l’URSSAF en tant que professionnel libéral BNC (bénéfices non commerciaux) ! Vous remplissez les papiers avec un conseiller et vous faites la demande d’ACCRE. Et profitez-en pour être aux aguets de toutes les journées d’informations ou de formations proposées par les différents partenaires ANPE, CCI, URSSAF, etc.
A partir de ce moment là, vous allez être immatriculé à l’INSEE et recevoir votre numéro SIRET d’entreprise. Celui-ci est constitué du SIREN que vous garderez à vie et de 5 chiffres qui constitue le numéro d’établissement. Il n’y a pas de KBis pour les libéraux.
Prévenir le harcèlement publicitaire
Juste un détail: dès réception de votre SIRET fourni par un courrier de l’INSEE, et afin d’éviter d’être harcelé par des publicités voire de subir des tentatives d’escroqueries de sociétés se faisant passer pour des organismes officiels, demandez à l’INSEE de ne pas livrer vos informations d’entreprises telle que votre adresse. D’autant que l’adresse, l’email et le téléphone sont souvent les mêmes que les vôtres en tant que personne physique. Il faut envoyer une lettre avec accusé de réception au Directeur général de l’Insee – Timbre E230 – 18 Boulevard Adolphe Pinard – 75675 PARIS CEDEX 14, en demandant à ne pas diffuser les informations transmises par l’URSSAF à l’INSEE en égard à l’Article A123-96 du code de Commerce. Une FAQ de l’INSEE l’expliquait mais elle a disparu. Normalement, au moment de l’inscription à l’URSSAF, on devrait pouvoir le faire. Si vous y arrivez, n’hésitez pas à le préciser en commentaire de ce blog. Cet annuaire permet de rapporter de l’argent à l’INSEE, tout en faisant perdre un temps considérable aux entreprises et tout en facilitant les escroqueries [les fichiers vendus à des tiers par l’INSEE sont revendus sous le manteau, lire l’article de Ouest France à ce sujet].
Le choix du régime
Vous allez alors recevoir une lettre des Impôts vous demandant votre régime fiscal. Pour un boulot d’ingénieur-conseil, se mettre en auto-entrepreneur ou à une autre forme de micro-entreprise ne correspond pas à une activité à temps plein et vous allez faire sauter le plafond fiscal. Le passage au régime ‘réel’ est adapté. Après vous avez le choix de télédéclarer la TVA réelle tous les mois ou de passer au ‘réel simplifié’ et de payer tous les trimestres (CA4) des avances avec un récapitulatif tous les ans (CA12). Un gros avantage de la deuxième solution, c’est que vous avez jusqu’à la fin de l’année pour faire votre comptabilité et donc pouvoir corriger les erreurs probables de vos premières écritures comptables.
Les professionnels de la vie des entreprises libérales: services des impôts, AGA, caisses (et expert-comptables)
Lorsque vous remplirez ces papiers, c’est l’occasion de rencontrer le service des impôts des entreprises afin de s’assurer qu’il n’y a pas d’erreur et de recevoir quelques conseils. Au-delà de tout préjugé, soyez bien assurés que leur compétence et leur expérience de la vie des entreprises en feront des alliés pour votre activité. En cas d’erreur ou d’oubli de votre part, un simple courrier suffit normalement pour lever une pénalité. En cas de difficultés, vous pourrez les solliciter et ils pourront vous aider à y pallier.
En attendant ces courriers, il y a une démarche essentielle à faire, c’est de trouver une association de gestion agréée (AGA) et de s’y inscrire rapidement: le délai est de 3 mois. Vous pourrez y recevoir le guide du professionnel libéral qui vous sera utile de suite. D’autre part, l’AGA vous apprendra à faire une déclaration contrôlée 2035 vous évitant une majoration fiscale de 25% de vos bénéfices sur l’impôt sur le revenu. Le plus important, ce sont les formations. Il faut qu’elles soient dispensées sur la comptabilité et la fiscalité, et pas seulement sur des disciplines annexes. C’est aussi l’occasion de rencontrer d’autres professionnels libéraux de milieux différents.
La cotisation vieillesse
Cela semble avantageux de ne pas payer de cotisation, mais il y en a une pour laquelle il faut faire attention: la Vieillesse. Et celle-ci coûte assez cher mais cela coûte encore plus cher de ne pas avoir ses trimestres afin de pouvoir prendre sa retraite. Depuis la loi Raffarin, il faut faire suffisamment de bénéfices pour pouvoir obtenir 4 trimestres par an (il faut faire un peu moins de 6000 euros de bénéfices pour avoir les 4 trimestres), sinon seul 1 trimestre est validé. Il est ainsi possible de se retrouver dans la situation ubuesque de ne pas pouvoir valider 3 trimestres sur 4 parce que les cotisations vieillesse payées pendant l’année abaissent suffisamment votre revenu pour ne plus y avoir droit. Bien entendu, vous continuez à payer pour tous pendant ces trois trimestres, mais pas pour vous, c’est juste pour la gloire. Par exemple, dans une situation économique difficile, les personnes ayant des faibles revenus cotisent ainsi uniquement pour ceux qui gagnent suffisamment bien leur vie. Avec l’ACCRE, il n’y pas de cotisation pour les trimestres jusqu’à la régularisation l’année d’après, et vous pourrez avoir à payer une part de cotisation si vos revenus sont suffisamment élevés. Il faut vous-même demander à payer la cotisation de retraite complémentaire. Et même si la CIPAV sait que vous bénéficiez de l’ACCRE, il vous faut leur transmettre l’attestation.
Là, cela commence à être pas mal du point de vue administratif.
La comptabilité
Reste les aspects comptables. Il faut travailler en HT (hors taxes) sinon vous allez à coup sûr payer de l’impôt sur le revenu sur de la TVA. Ce serait vraiment du gâchis. Certains logiciels comptables tels que Ciel Compta Libérale choisissent pourtant pour vous de vous mettre en TTC par défaut … C’est peut-être valable pour ceux qui sont en franchise de TVA mais ce n’est pas votre cas.
Reste une question difficile que personne ne va vous expliquer pour la simple et bonne raison qu’elle implique plusieurs années tandis que tous les organismes dont l’AGA voire même votre éventuel expert-comptable ne s’intéressent qu’à une seule année à la fois. Cette question, c’est celle de la régularisation anticipée ou non des charges. Cet enjeu découle directement de la spécificité des professions libérales, à savoir que vous serez imposé sur le revenu et non sur l’impôt sur les sociétés. Et la différence tient aux différents taux appliqués sur les tranches successives de votre revenu.
Prenez votre souffle: si vous avez une tranche marginale d’imposition à 10% pour vos premiers revenus de 2015 et de 30% pour ceux de 2016 parce que vous augmentez votre résultat, vous paierez donc plus d’impôts en 2017 sur ces revenus de 2016. Et, compte tenu que vos appels de cotisations de fin 2017 seront basés sur les résultats de 2016, on vous fera en plus un rappel de charges dès 2017. Si vous escomptez continuer à augmenter vos résultats chaque année, vous finirez à la tranche la plus haute de l’impôt sur le revenu et vous pouvez laisser faire. Si ce n’est pas le cas et que vos revenus se stabilisent en 2017 ou pire diminuent avec une tranche marginale d’imposition à 10%, vous allez payer de l’impôt sur le revenu sur les charges que vous n’avez pas payées en 2016 et que l’on vous demande de payer en 2017. Si par exemple il s’agissait de 10 000 euros de charges, on va vous les réclamer en 2017, ce qui est normal, mais en plus vous allez payer 30% d’impôt sur le revenu de 2016 dessus, soit 3000 euros. Et ce qui est extrêmement important de comprendre, c’est que vous auriez mieux fait d’appeler et d’écrire à vos caisses en leur donnant une estimation de vos revenus afin de payer ces 10 000 euros de charges dès 2016 et non d’attendre 2017 de sorte de ne pas payer 30% – 10% = 2000 euros en plus, mais bien au contraire d’économiser 30% = 3000 euros d’économies sur votre impôt sur le revenu de 2016. Cela fait une différence de 5000 euros en plus ou en moins dans votre poche.
Lorsque l’on a des revenus qui ne varient pas considérablement d’une année sur l’autre, cela finit par converger. Maintenant, il reste la question de la première et deuxième année avant d’entrer en régime permanent. C’est clair que si vous faites une première ou deuxième année importante, il faut absolument faire un prévisionnel en le sous-estimant (cf ci-dessous dans ce paragraphe) et le fournir aux caisses afin de payer vos charges avant la fin de l’année et ainsi diminuer votre impôt sur le revenu. Du coup, votre revenu va baisser et il est probable que les caisses aient un surplus de paiement, et c’est pour cette raison qu’il faut légèrement sous-estimer et résoudre les équations de calcul. Ce que j’ai fait pour vous et je vous laisse le soin de vérifier mes formules: si les caisses prélèvent 30% sur vos revenus, il faudrait en réalité qu’elles prélèvent 30% / ( 1 + 30%) = 23% et il faut donc déclarer un revenu de 23 / 30 de celui que vous estimez et donc de retirer 25% en gros de votre revenu prévisionnel. Si en fin de compte vous êtes très en-dessous, il y a quand même un risque de pénalité mais ce sera jamais pire qu’un impôt sur le revenu qui explose. Et puis vous pouvez placer l’argent. Il faut même le faire pour au moins 30% de ce que vous gagnez puisque rien que la TVA fait 20%.
Le choix du logiciel
Plusieurs solutions existent bien sûr sur le marché. Il y a notamment la solution www.macompta.fr qui va directement à l’essentiel, est simple, et sans artifice marketing pour vendre de la complication. De plus, il s’agit d’un éditeur indépendant, et au moins sait-on où va son argent. Le support est réactif et se montre souple si nécessaire.
La seule chose vraiment essentielle à sa survie
Maintenant, il faut s’occuper de son business. La règle de base, c’est de se concentrer sur son activité quoi qu’il arrive et d’être patient, de semer pour récolter.

Si vous avez des soucis avec un service contentieux d’une caisse qui vous cherche des poux parce qu’il est incompétent, mieux vaut changer de caisse en ayant payé au pire ce qu’ils vous demandent à tort. Il ne faut pas bien sûr payer des gens pour qu’ils vous fassent perdre votre temps. Si d’un point de vue personnel, vous vous attirez des jalousies parce que vous êtes libres et gagnez de l’argent, autant déménager et se concentrer de plus belle sur son activité. Si un client ne paye pas après plusieurs mois, ne pas perdre de temps à l’appeler, envoyez des courriers recommandés, mettez les justificatifs de côté, et profitez-en pour vous lier à un avocat, et retournez à votre activité, encore et encore quitte à faire une croix sur une dette.
La chose la plus est importante avec laquelle il vous faut être intransigeant, c’est la propriété intellectuelle. Quoi que vous réalisiez, il ne faut jamais céder la propriété intellectuelle tant que vous n’avez pas été payé. Si une SSII vous plante, il faut que vous puissiez continuer votre travail quitte à travailler directement chez le client final et être payé pour cela. Plus important encore, si vous inventez un concept ou mettez au point une technologie, gardez-vous le droit d’utiliser cette technologie à votre propre compte et ainsi de pouvoir la faire évoluer au cas où vous soyez spolié, ce qui vous sera difficile d’éviter à tous les coups. Ne jamais céder l’exclusivité d’une technologie que vous avez développée: partagez-la. Lors d’une négociation, il suffit de continuer le temps qu’il faut en tenant bon parce que l’on sait que ce que l’on demande est juste. Négocier pendant plusieurs heures et ne pas flancher sur des détails à la dernière minute ne doit pas vous faire peur. Ne jamais se laisser culpabiliser par des commerciaux de SSII qui se vantent de faire du business, contentez-vous de relever gentiment leurs incohérences: en général, on n’a que l’embarras du choix.
Salarié, indépendant: une différence à maîtriser
Etre indépendant ou salarié, ce n’est pas la même chose. Le principe est de n’avoir aucun lien de subordination. Des horaires imposés et vérifiés, des dates de vacances imposées ou des directives de comportement, et c’est la requalification immédiate que risque le client ou la SSII avec qui vous êtes sous contrat. Cela ne veut pas dire que l’on fait ce que l’on veut, il faut bien sûr respecter le règlement intérieur du client final typiquement pour des questions de sécurité et il faut aussi s’adapter: on ne prend pas des vacances juste avant la sortie d’un produit non pas parce que le client peut vous l’imposer mais parce qu’il risque fort de ne plus vouloir travailler avec vous autrement. En général, les entreprises ou SSII font des contrats de régie renouvelables d’une période de 3 mois ou plus. Le contrat peut s’arrêter de leur part au bout d’une de ces périodes mais vous aussi, vous pouvez le faire. La règle d’or c’est bien sûr de finir son travail et prévenir suffisamment à l’avance pour ne pas mettre le couteau sous la gorge du client. Vous pouvez aussi offrir une semaine au client afin d’effectuer le relais avec la personne qui vous remplace.
La spécificité du libéral au sein de l’entreprise cliente (finale)
Lorsque l’on devient ingénieur, on ne s’intéresse souvent qu’à la technique. Au bout de quelques années en entreprise, on comprend que ce sont en réalité des problèmes humains qui se cachent derrière les problèmes techniques. Il n’y pas de loi du silence en France, et en libéral, vous avez donc cette chance de ne pas avoir de patron. C’est une chance pour vous mais aussi, pour votre client, car vous allez pouvoir dire la réalité des problèmes techniques que vous découvrez avec un oeil neuf.
Bien des grosses entreprises passent 80 à 90% de leur temps à régler les problèmes qu’elles se sont créés à elles-mêmes en raison de mauvais choix ou d’une absence coupable de risques technologiques qui s’avèrent beaucoup plus dangereux qu’autre chose (c’est le sujet de ce blog de parler des problèmes théoriques qui se posent).
A partir de là, il y a le choix entre se contenter de faire ce qui est demandé ou alors d’essayer de trouver les vraies solutions. En situation de crise comme actuellement où les entreprises peuvent jouer leur survie, il y a une opportunité de parvenir à faire passer ces vraies solutions.
Pour autant, il est difficile de régler en quelques mois une accumulation de plusieurs années d’erreurs. Il faut trouver par quel bout prendre les problèmes et c’est difficile même si avec l’expérience, les problèmes sautent aux yeux. En effet, en général, les problèmes sont imbriqués, et la résolution d’un premier problème ne donnera pas forcément de résultat. Il faut trouver un chemin vertueux de résolution des problèmes. Quoi qu’il en soit, si vous proposez des vraies solutions, il y a le risque d’être attaqué sur le simple fait de remettre en cause des choix aberrants sur lesquels l’entreprise ne pourrait revenir parce qu’il n’y aurait soi-disant plus le temps ou que ce serait trop difficile. Une maison, cela se construit en dur tandis que le soft de software cela veut dire ‘mou’. Avec une analyse, une solution par étapes peut être trouvée quitte à employer des refactoring massifs. Maintenant, si l’entreprise préfère demander l’avis du marabout de service, autant faire à la rigueur comme des salariés de votre client, penser à votre intérêt personnel, faire ce que l’on vous demande, apprendre le plus possible et commencer à chercher ailleurs.
Par contre, si l’on vous écoute même en doutant, autant foncer.
Derrière les problèmes techniques, il y aura toujours une ou plusieurs personnes: ce sont en général des manipulateurs. Ces personnes harcèlent plus ou moins violemment, vous allez devoir nettoyer leur m…, ils vont dire que vous n’avez rien fait, ils expliqueront devant toute l’équipe ce que vous avez fait en le reprenant à leur compte, ils feront de vous la cause des problèmes, ils demanderont alors à reprendre la main, modifieront un peu ce que vous avez fait, promulgueront les résultats de votre travail à leur avantage, seront augmentés et continueront à vivre sur votre travail aussi longtemps qu’ils le pourront. Et vous, vous risquez de ressortir mal vu de cette expérience parce que vous rentrez un peu dedans.
Il est donc important de faire reconnaître son travail en faisant des points ponctuels avec le client, et en sollicitant dès le début à ce que vos résultats puissent vous servir comme référence.
En tant qu’indépendant sans velléité politique chez votre client, il y a quand même plus de marge de manoeuvre à la rigueur qu’en tant que salarié. Il faut manier le chaud et le froid. Travailler dur si nécessaire pendant plusieurs mois et lorsque le moment est venu, obtenir pour soi ce qui est nécessaire pour que l’entreprise vous respecte et ainsi permettre de continuer à l’aider. C’est d’abord en reconnaissant ouvertement le travail de vos collègues que vous gagnerez la confiance. Cela, typiquement lors des réunions d’équipe type Scrum. Et le cas échéant, en relevant tout aussi bien les contradictions des manipulateurs, ils finiront par se soumettre tant que vous n’aurez pas fini votre travail. Une fois le le succès acquis sur le projet, il n’y a plus qu’à partir et l’entreprise retournera de plus belle à ses travers ! C’est exagéré un peu car lors de gros succès, l’entreprise peut essayer de comprendre ce qui s’est passé et en tirer des leçons. Y compris donc en vous fournissant une référence.
Devenir indépendant en Informatique peut demander plus d’expérience humaine que technique. Quoi qu’il en soit, il faut un comportement irréprochable et patient, mais cela n’empêche pas d’être libre et dire ce que l’on pense en faisant fi de ces lois du silence qui sont le lot de bien des entreprises.
Toutefois, mieux vaut attendre d’avoir quelques années d’expérience et de ne pas casser le marché soit par les prix soit en faisant renoncer les entreprises à prendre des indépendants.
La question des tarifs: on gagne vraiment plus qu’en salarié !
C’est la loi de l’offre et de la demande qui régira votre business. En tant qu’indépendant, il ne faudrait pas pouvoir concurrencer les salariés de l’entreprise qui vous prend comme sous-traitant (je retrouverai peut-être le texte de loi à ce sujet), et vous devriez donc coûter plus cher à cette entreprise que si vous étiez son salarié. En-dessous de 280 euros par jour en province, autant oublier son diplôme d’ingénieur et passer à un métier non délocalisable. A l’international et en tout cas aux Etats-Unis, un tarif de $800 par jour est envisageable. Au forfait, il n’y a plus simplement obligation de moyens mais de résultats, il faut donc bien évaluer le temps nécessaire quitte à faire x 2, et mettre un tarif bien plus élevé qu’en régie. Il faut aussi un cahier des charges, un échéancier de paiements, et définir sur quoi se fera la recette.
Lorsqu’on se retrouve engagé pour une mission soi-disant facile et qu’en réalité, c’est l’arbre qui cache la forêt, alors il y a matière à renégocier. Il est possible aussi d’afficher la couleur, de proposer un tarif d’appel puis de préciser qu’une fois vos preuves faites, vous renégocierez au tarif le plus adapté à la valeur ajoutée que vous apporterez. Il y a une demande certaine en Informatique, autant en profiter maintenant. Surtout dans le cas où le lobby des SSII réussirait à augmenter artificiellement le nombre de diplômés pour faire baisser les prix (et accélère encore l’exode de matière grise et autres conséquences désastreuses …).
Si on vous appelle, tapez dans des tarifs élevés. Bien sûr, si on ne vous rappelle pas, il faut ajuster à la baisse ! Personnellement, ne pas parler sur sa propre initiative de tarif ou de salaires ou autres avantages a toujours été une règle, une stratégie même, car l’essentiel est l’intérêt du projet d’un point de vue technique ou de par ce qu’il apporte aux utilisateurs finaux.
Globalement, on gagne nettement plus qu’en salarié, au moins 1000 euros net par mois. Et de surcroît, il est possible de passer en charge des frais mixtes, telle qu’une partie de son loyer au pro-rata de la surface utilisée. Même chose pour la voiture: l’utilisation du barème kilométrique est simple et intéressante financièrement.
Le seul mais considérable risque de santé à couvrir
A ma connaissance, il n’y a qu’un risque véritablement à être indépendant, c’est celui d’un problème de santé ou d’un accident de la vie qu’il faut couvrir avec une assurance particulière. Une assurance peut être acquise pour se couvrir ainsi que ses proches. Cette assurance doit être en loi Madelin. Elle coûtera le même prix que si vous étiez salarié en gros, mais comme vous la déduirez de vos charges, elle vous coûtera donc beaucoup moins cher (si vous ne comprenez pas ce point, il est possible de faire une formation de 3 jours à Chambre de Commerce et d’Industrie, d’autant plus si vous êtes chômeur avec des droits à la formation, elle pourra ne rien vous coûter).
Une nouvelle fois, rien ne vous empêchera de redevenir salarié. Si vous prenez des risques et travaillez beaucoup, tôt ou tard, il peut être nécessaire de se reposer physiquement et mentalement et redevenir salarié apparaîtra comme de vraies vacances où l’on se contente de faire ce que l’on nous demande, et de profiter de sa vie de famille ou vie personnelle. Par ailleurs, l’occasion se présentera peut-être d’elle-même car vos clients tiendront sûrement à vous embaucher. D’autant qu’une expérience d’entrepreneur quelle qu’elle soit, c’est aussi la capacité d’assumer son destin et certaines responsabilités. Et c’est appréciable pour un chef d’entreprise dont c’est le travail au jour le jour, et qui se pose toujours la question de savoir comment faire rentrer de l’argent, s’adapter aux besoins de ses clients, gérer son équipe, etc.
En conclusion, vivement que les ingénieurs aient tous la capacité de travailler en indépendant !
L’harmonie à espérer, c’est la liberté et capacité à penser par soi-même, ne plus être enfermé dans un paradigme arbitraire. Rien que deux expérience suffisent souvent pour se rendre compte que les vérités absolues et non négociables des uns sont le contraire de celles des autres. Comme dit le chanteur, on peut tout vous prendre mais pas votre liberté de penser (faut quand même essayer de faire mieux que lui en matière de gestion fiscale !). C’est ce dynamisme qui est à préserver. Donner et prendre le meilleur, puis passer à autre chose.

BONUS !: des informations sur les clauses d’un contrat de régie
La règle d’or qu’il faudrait respecter, c’est de montrer le contrat à un avocat. Cela ne prendra pas beaucoup de temps ni d’argent, cela permet de faire connaissance avec un avocat, ce sera peut-être une expérience nouvelle et sûrement enrichissante, et cela vous permettra de voir si cet avocat a envie de devenir votre conseil et de vous accompagner, ou est plus enclin à piocher dans votre porte-monnaie. Si vous êtes payés 400 euros par jour et que vous laissez même 300 euros à un avocat pour un contrat plus ou moins type, ces 300 euros ne seront pas retirés de vos revenus mais de votre chiffre d’affaires. C’est juste comme une journée sans bénéfices, les 100 euros restant payant vos charges fixes: bouffe et loyer.
– description du projet
Il faut fixer le périmètre du projet sur lequel vous vous engagez afin de limiter votre responsabilité, de montrer que ne consentez pas à faire tout et n’importe quoi, et de vous faciliter de futures négociations en fonction des résultats que vous obtiendrez sur ce à quoi vous vous êtes engagés et non autre chose.
– lieu d’exécution des travaux
Cela vous permettra d’exiger des frais de déplacements supplémentaires le cas échéant.
– assurance professionnelle
Il vous faut acquérir une assurance professionnelle: il s’agit de couvrir les conséquences que pourrait avoir la chute d’un clavier sur le pied d’un collègue, mais pas de payer les éventuelles conséquences d’un bug de votre part. Un bug peut avoir des répercussions très graves et vouloir couvrir de telles risques exigerait une assurance très élevée et inutile à condition que vous restiez en obligation de moyens. Dans le cas d’un forfait, il faut donc vous prémunir contre ce risque avec les clauses adéquates afin de ne pas avoir sur le dos la responsabilité de problèmes engendrés par le produit du client final.
Une telle assurance a un coût d’une centaine d’euros par an. Si vous vous déplacez beaucoup, cela peut avoir un impact sur le coût de cette assurance professionnelle.
– durée d’exécution
Y préciser les dates de démarrage et de fin ainsi que la durée approximative (n’oubliez-pas: si vous voulez prendre une journée, c’est vous et vous seul qui décidez). Précisez éventuellement les jours où vous ne travaillerez probablement pas, comme le mercredi après-midi par exemple (pour faire votre compta et autres activités), ou encore le vendredi complet si vous déplacez loin de votre famille et que cela vous permet d’être trois jours avec elle. Vous êtes libres de vos horaires toujours en raison de ce principe qui fait que vous n’avez plus de lien de subordination. Et vous pouvez très bien travailler plus d’heures sur 4 jours et faire facilement autant que les 35 heures de vos collègues chez le client final.
– prix
Sur des missions courtes, moins de 2 mois, vous êtes libre de laisser à un commercial un bon pourcentage, mais sur des missions longues, il me semble qu’il faudrait pouvoir tabler sur du 10-15% au vu du marché actuel et de l’équilibre des forces. Pour de telles missions courtes, 15-20% pour le commercial est probablement un bon calcul. Au-dessus de 20%, et surtout pour des missions qui se prolongent, il faut montrer les dents, et si jamais vous n’avez pas le choix, clairement dire que c’est totalement exagéré et qu’il ne faudra pas qu’il s’attende à ce que vous lui fassiez de cadeau le jour où vous trouveriez mieux. Idéalement, il faudrait que vous ayez un contrat avec le client final et rétrocédiez 5% de commission à la SSII en tant qu’apporteur d’affaires.
– transparence
Précisez le montant journalier chez le client final et que la SSII devra vous informer sous huit jours de tout changement de tarif auprès du client final et de le répercuter à la hausse au pro-rata fixé initialement (attention, seulement à la hausse et pas à la baisse car la SSII est capable de magouiller avec le client final en fin de mission pour placer un prestataire à votre place).
– frais de déplacement
Précisez que tout déplacement au-delà du lieu de travail précisé sera facturé en sus.
– conditions de règlement
En général, c’est du 30 jours fin de mois. Demander à être payé le 1er du mois suivant (30 jours de plus par rapport à un salarié)
– pénalités de retard de paiement
– garantie, limite de responsabilité
Aucune garantie. Vous n’avez que l’obligation de moyens. Attention, toute garantie supplémentaire pourrait vous lier pieds et poings liés, sans être payé, et ad vitam aeternam. Bien sûr, ce serait illégal, enfin j’espère, mais ce ne serait qu’une chose illégale de plus …
– validité de l’offre
1 mois
– secret professionnel
– propriété intellectuelle
Il faut préciser les technologies dont vous détenez la propriété intellectuelle afin de ne pas les cédez implicitement si jamais vous les utilisez chez un client.
Il faut aussi préciser que vous gardez la propriété intellectuelle de vos travaux tant que ceux-ci n’ont pas été entièrement payés.
– résiliation et prorogation
Exiger d’être prévenu 1 mois à l’avance dans le cas où votre contrat ne serait pas prolongé par un avenant au contrat.
En cas de soucis de santé, tout particulièrement si une forme de harcèlement moral tendrait à s’installer, se réserver la possibilité de quitter du jour au lendemain l’entreprise sur demande de votre médecin. Les méthodes de harcèlement moral aujourd’hui utilisées massivement ont de très graves conséquences d’autant plus qu’elles sont pernicieuses, et pour un libéral sans protection, cela peut s’avérer dramatique. Il faut préserver son dynamisme à tout prix. Aujourd’hui, en matière d’harcèlement, tout le monde doit savoir de quoi il retourne: sur simple demande, j’écrirai un article relatif à ce sujet.
– publicité
Demander à ce que vous puissiez publier les résultats que vous avez obtenus chez le client final afin que vous puissiez avoir des références.
Enfin, mieux vaut d’emblée venir avec propre contrat plutôt que d’accepter celui d’une SSII qui sera bien sûr bourré de clauses illégales. Vu que nos gouvernements successifs les laissent trainer dans la boue les ingénieurs qui sont censés être les fers de lance de l’économie numérique, ils ne se gênent plus. A l’occasion, je pourrais détailler les clauses hallucinantes que ces SSII essayent d’imposer …
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